Résumé du débat IMCO du 23/05
En vidéo : [
www.europarl.europa.eu]
Pour ceux qui n'ont pas pu voir toute la réunion mais que le sujet intéresse, un compte rendu un peu long ci-dessous.
La rapporteure Vicky Ford a indiqué que les propositions constructives au sein des 847 amendements permettraient d’avancer vers un consensus. Sur les marquages, toutes les parties essentielles ne peuvent l’être en raison de leur taille, et il faudra donc avancer vers une solution qui reste pratique. La démarche doit être également pragmatique pour les échanges d’information entre Etats et pour les normes de neutralisation, les dernières règles publiées par la commission étant à cet égard impraticables. S’agissant de la définition de la catégorie A6, il faut effectivement avancer vers une rédaction qui ne classe en armes interdites que les armes automatiques dont la conversion n’est pas garantie.
Une approche transparente et démocratique doit être suivie avec les shadow rapporteurs, ce qui ne veut pas dire forcer à tout prix l’adoption de compromis. C’est la raison pour laquelle il conviendra de présenter les amendements au vote par paquets cohérents, fournissant de véritables choix. Les discussions sur ce sujet éminemment complexe devant être menées sérieusement, il sera demandé un report du vote en juillet.
M. Andreas Schwab, orateur du groupe PPE, a indiqué :
- la définition des obligations de marquage sur les parties essentielles doit être aussi pragmatique que possible ;
- les détenteurs doivent pouvoir être autorisés à procéder à des modifications limitées de leurs armes, tant que ces travaux n’impliquent pas un changement de catégorie ;
- il convient d’autoriser la détention d’armes en A pour les musées et les collectionneurs, à condition que des mesures de stockages sécurisé soient bien prévues ;
- très critique sur les examens médicaux, dont le contenu et la périodicité doivent être renvoyés aux Etats membres ;
- l’interdiction des ventes à distance est conçue de manière beaucoup trop large, ce qui aura un impact sur les détenteurs vivant en zone rurale ; il convient donc de renvoyer aux Etats membres les mesures de vérification d’identité et du droit à s’engager dans de telles transactions.
De manière générale, son groupe soutiendra tout ce qui permet de lutter contre le crime et toute mesure allégeant les contraintes inutiles pour les utilisateurs légaux.
Mme Evelyne Gebhardt, orateur du groupe socialistes et démocrates, a souligné l’importance de marquages garantissant la traçabilité. Son groupe soutient le passage d’examens médicaux avant l’acquisition d’une arme, mais en laissant aux Etats membres le choix d’un contrôle continu ou ponctuel. Autant son groupe est d’accord pour assouplir le projet de la Commission s’agissant des musées pour la détention d’armes en A, sous réserve de stockage sécurisé, autant il est opposé à une telle ouverture pour les collectionneurs, qui ne doivent pas disposer d’un statut plus avantageux que les autres personnes. Soutien aux propositions de la Commission sur l’interdiction des ventes d’armes à distance, en les limitant aux armuriers et courtiers, avec un assouplissement limité à la vente à distance de munitions. Il faut des mesures de stockage sécurisé des armes et munitions, celles-ci devant être entreposées séparément.
S’agissant des modifications des catégories :
- accord pour ne reclasser en A6 que les armes automatiques transformées en semi-automatiques pour lesquelles il persisterait un risque de rétro conversion en auto ;
- le reclassement en A7 ne peut être opéré sur le critère de l’apparence, mais bien en fonction du danger potentiel mesuré à l’aune de critères techniques, avec des exceptions permettant la détention pour des motifs de défense et sécurité nationale ou pour les tireurs sportifs.
Termine en disant qu’il ne s’agit pas d’ennuyer les tireurs et les chasseurs, mais seulement d’empêcher que des armes dangereuses, telles que les armes militaires ou les Kalachnikov, de tomber dans de mauvaises mains.
Mme Dita Charanzova, pour l’ADLE, estime que le nombre d’amendements montre combien le texte initial était inacceptable. Les travaux de la commission LIBE montrent le chemin vers un texte consensuel et efficace. Il y a donc la possibilité d’arriver à un large consensus. Il faut limiter au maximum les modifications dans les catégories, en rejetant le classement en A7 fondé sur le critère de la ressemblance et en traitant la question des A6, plusieurs solutions étant possibles au travers des différents amendements pour ne pas prononcer une interdiction totale des armes automatiques converties en semi-automatique.
M. Pascal Durand, pour les Verts, est d’accord pour repousser le premier vote de la commission IMCO à juillet si nécessaire, afin d’obtenir le plus large consensus possible sur un sujet qui concerne la sécurité des citoyens européens.
Le critère de la ressemblance n’a effectivement pas de sens d’un point de vue juridique, et il propose de « remplir la catégorie » avec des critères objectifs, comme par exemple l’interdiction des armes semi-automatiques pouvant tirer plus de six coups sans rechargement. Accord pour une exception de détention des A pour les musées, mais pas pour les collectionneurs. Pour les ventes à distance : nécessité de prévoir à un moment de la transaction un face à face physique. Interdiction des paiements en espèce pour les achats d’armes ou munitions. Il faut également instaurer une obligation de souscription d’assurance pour tous les détenteurs d’armes.
(Commentaire : pour paraphraser l’un de ses amendements, manifestement un examen médical incluant les capacités cognitives devrait être imposé avant l’admission au mandat de député européen…)
M. Robert Jaroslaw Iwaszkiewicz, orateur d’Europe de la liberté et de la démocratie directe, se dit d’accord pour voter en juillet. En faveur des examens médicaux obligatoires et du durcissement sur les ventes en ligne. Regrette que la discussion se focalise sur des détails en perdant de vue la nécessité d’édicter des textes clairs et applicables pour les tireurs et chasseurs, « citoyens consommateurs », sachant en outre que de tout manière les criminels et terroristes n’en tiendront aucun compte.
Mme Mylène Troszczynski, pour Europe des Nations et des libertés, fait valoir son désaccord général avec le texte et la nécessité logique de le rejeter en bloc. Soit la directive de 1991 est strictement appliquée, soit elle ne l’est pas et alors il faut suspendre l’application de Schengen. Il est hors de question de réviser la classification actuelle, qui ne pose aucun problème. S’élève contre les propos tenus en petit comité par un représentant de la Commission estimant que « les armes sont méchantes » et qu’ « il ne comprend pas les tireurs et amateurs d’armes », qu’enfin « il va bien falloir interdire quelque chose pour sauver la face ».
Suivent ensuite les interventions individuelles de députés.
Mme Maria Grapini, socialistes et démocrates, présente ses 5 amendements tendant à rendre les propriétaires d’armes responsables en cas de vol desdites armes, de ramener à 3 ans la durée maximale des autorisations, d’aller plus loin que la Commission en interdisant aux mineurs la possession d’armes de chasse et de fixer une durée de validité commune à l’échelle européenne pour les certificats médicaux.
M. Christofer FJELLNER, PPE, juge que la proposition de la Commission avait pour unique objectif de montrer qu’ « elle faisait quelque chose » après les attentats de 2015. Mais tout ce qui est proposé affecte les détenteurs légaux et eux-seuls, sans avoir aucun impact sur les terroristes. Nous avons de ce fait perdu du temps pour agir efficacement. En outre, aucune réponse n’a été apportée par la Commission à deux questions de base : combien d’armes légales sont utilisées à des fins criminelles ? Combien d’armes légalement détenues seraient affectées par les interdictions proposées ? Faute de pouvoir mesurer à la fois l’enjeu du problème éventuel et les effets des « solutions » proposées par ce « rush job », la seule approche raisonnable est de rejeter l’ensemble, en demandant à la Commission de se remettre au travail en se basant cette fois sur des faits.
M. Jussi HALLA-AHO, Conservateurs et réformistes européens, a jugé rassurant le nombre des amendements déposés pour contrer les excès du texte de la Commission. De manière générale, salue le très bon travail réalisé par la commission LIBE saisie pour avis. Rejet de la proposition de classement en A6 ou A7 d’armes semi-automatiques, rejet des examens médicaux standardisés et des limites de validité de la durée des autorisations, car il s’agit de charges bureaucratiques inutiles. Favorable à un rejet global du texte, car il viole tous les principes de bonne élaboration des normes, et cela du fait de l’agenda idéologique anti-armes de la Commission. Son attitude incroyable lors des réunions de la commission IMCO a d’ailleurs endommagé sa crédibilité. Il n’appartient pas au Parlement de refaire tout le travail, car en tant que citoyens, nous méritons un meilleur qualité dans l’élaboration des projets de loi (lawmaking).
Mme Olga SEHNALOVÁ, socialistes et démocrates, se félicite de la prise en compte dans le débat de l’analyse d’impact réalisée par la République tchèque sur les risques inquiétants d’effets négatifs du projet de directive : une partie des armes interdites pourrait prendre le chemin du marché noir, ce qui irait donc à l’encontre du but recherché. Accord sur la suppression de la A7 et sur un aménagement de la A6 n’interdisant que les armes automatiques dont la transformation en armes semi automatiques n’obéit pas à des procédures techniques autorisées. Des réglementations efficaces et bien appliquées existent d’ores et déjà dans certains Etats membres et il convient de capitaliser sur cette expérience tout en orientant l’effort vers la lutte contre les armes illégales.
Mme Biljana BORZAN, socialistes et démocrates, insiste sur l’importance des examens médicaux, à étendre aux armuriers et courtiers, ainsi que sur la priorité que constituent les règles de stockage sécurisé.
Mme Virginie Rozière, socialistes et démocrates, confirme la position de son groupe pour un aménagement de dérogation permettant la détention d’armes en A pour les réservistes et les musées, mais en aucun cas pour les collectionneurs. Refus d’assouplir les conditions de vente à distance ou de détention par les mineurs par rapport au texte proposé par la Commission. Répète, une fois encore, qu’au-delà de 20 ans il n’y a plus de traçabilité des armes détenues, ce dont témoigne selon elle le fait que Merah détenait un pistolet 1911 fabriqué en 1941… (commentaire : nous sommes visiblement au-delà de toute approche rationnelle, ce qui est préoccupant tout de même pour quelqu’un sortant de l’X…).
M. Richard SULÍK, Conservateurs et réformistes européens, estime que sous prétexte de lutter contre le terrorisme, la Commission a en fait pour objectif une restriction des libertés individuelles. Surpris par les déclarations la veille de la commissaire Bieńkowska selon laquelle « nous n’avons pas besoin d’autant d’armes ». La liberté des citoyens devrait être supérieure à l’opinion de la Commission, mais ce n’est semble-t-il malheureusement pas le cas, puisque ceux qui siègent à la Commission agissent comme s’ils étaient des dieux, dictant aux citoyens ce qu’ils peuvent faire ou ne pas faire. Propose le rejet de l’ensemble de la proposition de directive.
La représentante de la Commission souligne que cette dernière n’a jamais fait et ne fera jamais d’amalgame entre les détenteurs légaux et les terroristes. Elle est bien consciente que des millions de citoyens détiennent légitimement des armes et le font avec responsabilité. La Commission ne veut en aucun cas rendre leur vie plus difficile ou « misérable ». Cependant, elle a réalisé un travail d’analyse en profondeur de l’application de la directive, pendant un an et demi, en y associant l’ensemble des parties intéressées (Etats, associations, dont les associations représentatives des chasseurs et tireurs, associations professionnelles). Les modifications proposées ont pour seul but de veiller à prévenir le détournement d’armes légales au profit du crime organisé ou du terrorisme.
Dès le départ, la Commission était d’accord pour considérer que le critère de la ressemblance n’était pas le bon (commentaire : on croit rêver !). Elle est donc favorable et ouverte aux propositions constructives de définition de bons critères. Encore une fois, le but poursuivi n’est pas de rendre plus difficile la vie des tireurs et chasseurs, dont la Commission sait qu’ils utilisent des armes semi-automatiques dans beaucoup de cas, comme certains professionnels d’ailleurs. Ils doivent pouvoir continuer à pratiquer leur hobby ou leur activité professionnelle sans être affectés par la nouvelle directive.
Les collectionneurs doivent entrer dans le champ de la nouvelle directive, sachant qu’ils n’étaient pas concernés par l’actuelle.
[A ce moment la représentante de la Commission est interrompue par le président de séance, qui lui rappelle que le temps est compté et que ce qui lui est demandé ce n’est pas un débat général, mais un point de vue sur les amendements déposés. Visiblement vexée, elle renonce à poursuivre.]
La rapporteure Vicky Ford conclut la séance en :
- Précisant qu’elle n’est pas favorable à l’adoption de l’amendement de rejet d’ensemble, car il convient de traiter certaines failles spécifiques dûment constatées, notamment en ce qui concerne les armes acoustiques et neutralisées.
- Marquant son accord avec un texte de compromis tel qu’envisagé par le PPE sur la question du marquage ;
- Considérant que la distinction entre musées et collectionneurs est difficile à élaborer et qu’il vaut mieux un texte les couvrant tous et leur ouvrant la possibilité de détenir des armes en A ;
- Approuvant les suggestions sur une nouvelle rédaction de la catégorie A6 ne débouchant pas sur une interdiction générale, mais bien reposant sur des critères techniques de transformation acceptable en semi-automatiques. Note qu’elle a bien relevé les risques mentionnés par les responsables d’Europol sur une diversion d’une partie du stock légal vers le marché noir en cas d’interdiction trop large et indiscriminée, ce qui aurait un effet contraire à celui recherché ;
- Souhaitant qu’une analyse d’experts complémentaire soit engagée sur les propositions des Verts concernant le stockage sécurisé des armes et munitions séparément, de même que sur la question d’une assurance obligatoire pour les propriétaires d’armes (commentaire : c’est ce qu’on appelle botter en touche élégamment pour ne pas dire le fond de sa pensée).
Elle redit sa conviction qu’une solution de large consensus pourra être trouvée, sous réserve de prendre son temps pour bien travailler.
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